Joseph Jochem est affecté depuis une trentaine d’années au pilotage du bac de Drusenheim. Nous l’avons rencontré avant le confinement. À l’appui de son expérience, il nous avait raconté les grandes évolutions de son métier et du trafic transfrontalier.
Dans la petite cabine de contrôle du bac, Joseph Jochem se tient le buste droit, une main sur chaque levier de commande. Par la force de l’habitude, effectuer la manœuvre d’amarrage ne l’empêche par de parler en même temps. Mais à aucun moment il ne cesse de scruter les extrémités de l’embarcation. « Il faut coller les yeux partout, explique-t-il. Le plus important c’est la sécurité. Mon collègue en bas veille à ce que les voitures sortent en ordre ordonné et qu’il n’y ait pas de piéton sur les bords au moment de monter ou descendre le plateau. » Question pilotage, c’est un coup de main à prendre : « Une fois que vous connaissez les bases, c’est comme une voiture. Vous mettez la première, puis la seconde, etc. »
À 60 ans, Joseph a pour ainsi dire passé la moitié de son existence à travailler sur le bac. La retraite ? « Je n’en sais rien, je n’y pense pas. » Aime-t-il son métier ? « Un métier, il faut se le faire beau. Ce n’est pas ennuyeux si l’on connaît tout le monde ; ce qui est le cas à force. On peut se lancer des gestes, des petites vannes. »
Toujours est-il que son emploi lui fournit un poste d’observation idéal sur les mouvements transfrontaliers : « A force, on remarque tout. On voit le contenu des sacs de courses des gens évoluer en fonction des prix de chaque côté du Rhin. La semaine ce sont des travailleurs frontaliers surtout, le week-end beaucoup de touristes. » À ses débuts, la culture au travail n’était pas la même : « Seuls les anciens avaient le droit de piloter. Les jeunes devaient placer les voitures. Quand on m’a mis aux commandes en 1996, j’ai décidé que tout le monde alternerait entre les deux rôles. » Ils sont désormais 9 à se relayer, par équipes de deux, matin et après-midi.
« Quand je suis arrivé en 1990, il y avait encore un vieux système d’hélices qu’il fallait démonter régulièrement parce qu’elles accumulaient des saletés, se rappelle-t-il. Puis ils ont fini par en installer un système qui aspire l’eau et l’expulse. » Pour se mettre à la page des nouvelles technologies et commandes qui doivent être installées sur le bac, Joseph s’attend à devoir suivre une nouvelle formation.
Quand le bac sera au chantier naval de Freistett, les 9 salariés du Département qui, habituellement, se relaient par équipes de deux matin et soir sur le bac, seront affectés à l’entretien et la surveillance du réseau routier. Actuellement, pendant la crise sanitaire, ils effectuent surtout des tâches administratives en télétravail, et également des opérations routières.